Projet ASSOCIE
Vers une approche pluridisciplinaire de la pollution minière : perspectives de recherche en écologie territoriale initiées par IMT Mines Alès, en France et en Afrique de l’Ouest. 
 
Il est reconnu que l’activité minière impacte durablement les territoires sur lesquels elle s’implante. Pour autant, comment appréhender ce territoire dont on affirme qu’il est impacté ? Prendre le territoire minier comme objet d’étude, c’est nécessairement porter un regard pluridisciplinaire, voire transdisciplinaire, sur les problématiques de pollutions minières et d’après-mines. Le territoire bénéficie de multiples travaux de géographes qui ont permis de cerner la multiplicité de ses définitions (Auriac et Brunet, 1986 ; Di Méo, 1998 ; Lévy, 1999). Les auteurs s’accordent néanmoins à le définir à travers trois dimensions : matérielle, organisationnelle et identitaire (Laganier et al., 2002). En outre, certaines conceptions, telles que l’écologie territoriale notamment, proposent d’appréhender le territoire comme un écosystème (Buclet et al., 2015) ou un système socio-écologique (Barreteau et al. 2016). Le métabolisme territorial est une approche méthodologique développée pour modéliser les composantes essentielles d’un système territorial ainsi que les relations dynamiques entre ces composantes (Cumming et al. 2005). La description du métabolisme territorial permet ainsi de comprendre, en particulier, les interactions entre un territoire et son milieu naturel, étudiant ainsi ses trois composantes, à travers notamment la réalisation d’un bilan de flux de substances, de matières et d’énergie (Barles et al., 2009).  
 
En cohérence avec cette approche conceptuelle du territoire, de récents travaux menés par les chercheurs de IMT Mines Alès visent à rapprocher différents champs disciplinaires : la géologie et la géostatistique, l’hydrologie, la systémique (approche du territoire comme système socioécologique), la géographie sociale (approche du territoire par les pratiques et représentations), l’écologie des écosystèmes (analogie entre fonctionnement des activités humaines et fonctionnement des écosystèmes), l’histoire et l’analyse prospective (mise en perspective historique et prospective à travers les archives et les récits de vie) et la modélisation participative (construction d’outils d’animation pour le transfert de connaissances). Ces rapprochements disciplinaires se déclinent en plusieurs axes de recherche. 
 
1. Axe 1 : Compréhension de la circulation des flux de substances entre activités minières et environnement 
 
Cet axe de recherche comporte plusieurs volets : l’amélioration de la connaissance sur la variabilité de la teneur en polluants métalliques des eaux souterraines, à l’échelle régionale ; le suivi de la qualité des eaux de surface (éléments traces métalliques et concentrations de composés organiques) ; la discrimination des contributions anthropique et géochimique de la teneur en métaux dans les eaux de surface ; la modélisation des transferts de pollution entre eaux de surface et eaux souterraines. 
 
Exemple d’application : « Caractérisation de la distribution spatio-temporelle de l’arsenic des aquifères du Liptako-Gourma : évaluation de l’impact anthropique lié à l’exploitation minière, conséquences sur l’exposition des populations, et définition de stratégies d’intervention ». Thèse de doctorat (Oumar El-Farouk Maman Illatou) en cotutelle entre l’Université Abdou Moumouni de Niamey et IMT Mines Alès (2018-2021) 
La zone d’échantillonnage couvre le bassin hydrographique du fleuve Niger dans la partie nigérienne, sur les deux rives du fleuve, et de ses affluents, sur une superficie approximative de 400 km x 200 km (80 000 km2). La plupart des affluents du fleuve sur la rive droite proviennent de toute la partie orientale du Burkina-Faso constituée des formations cristallines et cristallophylliennes du Liptako Gourma, accueillant des mines industrielles et des centaines de sites d’exploitation artisanale d’or, répartis sur le Niger et le Burkina. L’origine de l’arsenic et métaux lourds pouvant être naturelle ou anthropique (BRGM/RP-57640-FR), les zones de prélèvement des forages et/ou puits ont concerné les aquifères discontinus du socle du LG (fracturé ou altéré), les nappes alluviales de la rive droite, et le Continental Terminal (CT) pour la rive gauche. L’étude préliminaire de la zone d’étude, les types d’activités anthropiques susceptibles de libérer des polluants dans l’environnement, ainsi que l’hétérogénéité des formations géologiques orientées perpendiculairement à la direction du fleuve Niger ont permis de proposer une grille d’échantillonnage systématique à maille large de 50 km x 50 km. Elle est orientée suivant la direction N130, direction du fleuve Niger et suit également l’orientation de formations géologiques perpendiculairement au fleuve Niger, le long de la rivière Sirba dont la plus grande partie se situe au Burkina Faso sous le nom de Sebba. Cette approche a permis de sélectionner des échantillons spatialement représentatifs de toute la zone d’étude sur la majorité des zones d’orpaillage avec une diversité des eaux des différents aquifères tenant compte de la variabilité géologique du milieu et de celle des apports en contaminants.  
L’analyse des premiers résultats est en cours, de même que la réalisation de campagnes supplémentaires d’échantillonnage, tant pour les eaux souterraines que de surface. 

Figure 1 : Zone et grille d’échantillonnage, à grande maille, des eaux souterraines

2. Axe 2 : Modélisation du métabolisme territorial des activités extractives 
 
Si la connaissance scientifique des pollutions minières progresse significativement, elle ne parvient pas, à elle seule, à rendre compte des raisons économiques, sociales, organisationnelles et culturelles qui sont à l’origine de la circulation de ces flux métalliques entre activité minière, société et environnement. Pourtant, cette compréhension est essentielle à la mise en place de solutions efficaces pour accompagner un changement des pratiques artisanales notamment. 
 
Exemple d’application : « Métabolisme territorial des filières légales et clandestines de l’exploitation de l’or au Liptako-Gourma (Afrique de l’Ouest) : enjeux pour accompagner le changement durable des pratiques ». Oumar El Farouk MAMAN-ILLATOU, Juliette CERCEAU, Ousmane BOUREIMA, Marc VINCHES, Communication proposée au 10° congrès AFEP (Association Française d’Economie Politique), Toulouse, juillet 2020. 

En mobilisant les approches de l’écologie territoriale, notamment l’étude des dynamiques d’interactions matérielles et immatérielles (Buclet et al., 2015 ; Buclet et Cerceau, 2019), couplées à l’Analyse Stratégique de la Gestion Environnementale (Leroy, 2006), ce travail de recherche, appliqué actuellement au Liptako-Gourma, propose de modéliser le métabolisme territorial des filières industrielles, artisanales légales et clandestines de l’exploitation minière. Cette analyse permet de mettre en évidence, d’une part, l’importance des jeux de pouvoir locaux dans la conversion des gisements en ressources puis en richesses territoriales, et d’autre part, le rôle fondamental de la circulation des richesses monétaires dans les choix technologiques liés à l’extraction, dans les transferts de pollution, ainsi que dans la gestion des conflits d’usages de l’eau et des sols. 

Figure 2 : Schéma des interactions matérielles et immatérielles entre parties prenantes du territoire (adapté de Buclet et Cerceau, 2019)

3. Axe 3 : Caractérisation de la trajectoire socio-écologique des territoires miniers 
 
Les territoires, considérés comme des systèmes socio-écologiques (Barreteau et al., 2016) émergent des interactions entre sociétés humaines et environnement (Redman et al., 2004; Haberl et al., 2006). Ainsi, la dynamique d’évolution des territoire peut être comprise comme une succession de régimes socioé-cologiques établis sur la base de mode d’interactions socioécologiques distincts (Krausmann, et al., 2008; Schandl et al., 2009, Krausmann et and Fisher-Kowalski, 2013). L’objectif de ces travaux de recherche est d’étudier les dynamiques d’évolution des interactions socio-écologiques au sein de territoires miniers, à travers l’imbrication de plusieurs échelles de temps (temps long pour identifier des phases de régimes et de transitions ; temps court pour identifier des motifs de cycles socio-écologiques récurrents journaliers ou saisonniers et temps à venir pour préfigurer des scénarios d’évolution). Ces dynamiques d’évolution sont également étudiées à travers l’imbrication et les interactions de plusieurs échelles spatiales (diversités spatiales des configurations et des trajectoires socio-écologiques ; interactions, changement d’échelles et transfert d’impacts entre ces territoires emboîtés ou juxtaposés).  
 
Exemple d’application : « Trajectoires socio-écologiques des rivières cévenoles : Etude des dynamiques d’évolution des interactions socio- écologiques au sein du haut bassin versant des Gardons du XIXème siècle à nos jours » - Projet de thèse soumis à l’appel à projet Région Occitanie 2020.  

Les Cévennes gardoises sont caractérisées par un socle géologique à fortes teneurs en métaux (arsenic, plomb, antimoine et cadmium), ou ayant permis, localement, l’exploitation de gisements de charbon, à ciel ouvert et en souterrain. L’industrie minière a ainsi contribué à façonner, dès le début du XIXème siècle, le territoire cévenol, son environnement, sa population, ses paysages. La désindustrialisation et le développement des activités touristiques induisent aujourd’hui de profondes modifications territoriales. L’identité de ce territoire cévenol oscille aujourd’hui entre deux pôles difficilement conciliables : héritage de ce passé minier, d’une part, et patrimoine environnemental exceptionnel, d’autre part. Ce double ancrage est source d’incertitudes et de tensions. Il est nécessaire pour l’évolution future de ce territoire de caractériser l’ancrage historique de l’existant qui servira de base pour la proposition de scénarios d’évolution. Ce projet de thèse a ainsi pour objectif d’étudier les dynamiques d’évolution des interactions socio-écologiques au sein du haut bassin versant des Gardons du XIXème siècle à nos jours. 

Figure 3 : Carte de l’amont du bassin versant des Gardons – complément d’inventaire minier (courtoisie de Philippe-Lionel EBENGUE-ATEGA) 

4. Axe 4 : Transfert de connaissances et renforcement de la capabilité 
 
Ces travaux de recherche sont à mettre en perspective avec les enjeux de transferts de connaissances et de renforcement de la capabilité des acteurs de territoire (c’est-à-dire leur capacité à se saisir de leur projet de territoire en cohérence avec les opportunités et contraintes environnementales). L’une des approches retenues est celle de la co-construction d’outils de médiation favorisant la réduction des impacts environnementaux, sociaux et sanitaires des pratiques. En partenariat avec des chercheurs de l’UR Green du CIRAD et de l’INRAE, un prototype de serious game est en cours de création avec pour objectif de sensibiliser et d’impliquer les acteurs liés aux activités d’orpaillage, notamment en Afrique de l’Ouest, concernant les pollutions des eaux souterraines et de surface dues à l’utilisation de substances chimiques et à la diffusion d’éléments naturels toxiques. 

Figure 4 : Jeu sérieux, médiation : interactions orpaillage-territoire, en Afrique de l’Ouest (prototype en cours de construction)

Références bibliographiques
 
Auriac F., Brunet, R., 1986., Espaces, jeux et enjeux. Nouvelle encyclopédie des sciences et des techniques, Fayard-Fondation Diderot. 
Barles S., Buclet N., Billen G., 2011. L’écologie territoriale : du métabolisme des sociétés à la gouvernance des flux d’énergie et de matières. CIST2011 - Fonder les sciences du territoire, Collège international des sciences du territoire (CIST), Paris, France. pp.16-22. 
Buclet N., Barles S., Cerceau J., Herbelin A., 2015. L'Ecologie territoriale entre analyse de métabolisme et jeux d'acteurs. Essai d'écologie territoriale : l'exemple d'Aussois en Savoie, CNRS Editions, pp.13-45. 
BUCLET, N., CERCEAU, J, 2019. Interactions et rétroactions entre dimensions matérielles et immatérielles de systèmes communs de ressources spatialisés, une lecture par l’écologie territoriale. Revue Développement Durable et Territoires, 10 (1).Cumming G.S., Barnes G., Perz S., 2005. An Exploratory Framework for the Empirical Measurement of Resilience. Ecosystems 8, 975–987. 
Di Méo, G., 1998, De l’espace aux territoires. L’information géographique, n°3, p. 99-110.  
Laganier, R., Villalba, B., Zuindeau, B., 2002. Le développement durable face au territoire: éléments pour une recherche pluridisciplinaire. Développement durable et territoires. [En ligne]. Dossier 1: Approches territoriales du développement durable, mis en ligne le 01 septembre 2002, consulté le 12 janvier 2020. URL: http://developpementdurable.revues.org/774. 

Mots clefs : Ecologie territoriale, Métabolisme, Territoire, Capabilité, Systèmes socio-écologiques, Trajectoires territoriales, Ressource en eau, Ressources minérales, Transdisciplinarité 


 
Copyright © 2020 - Tout droits réservés -
 www.industrie-minerale-territoire.fr 
 
 OPENELEMENT. TEMPLATE réalisé par  SENSODE